Piccoli grandi bronzi
L’Antiquité Classique, 01-01-2017, Balty Jean-Charles
À côté des répliques de marbre, les « petits grands bronzes » nous ont souvent conservé le souvenir d’originaux célèbres de la statuaire classique et hellénistique ; les chercheurs n’en ont donc jamais négligé l’intérêt à cet égard. Mais il y en a quan- tité d’autres, de qualité eux aussi, qu’on ne peut que difficilement mettre en relation directe avec ces opera nobilia et qui posent le problème de leur éventuelle dépen- dance par rapport à ceux-ci, qu’il s’agisse de simples variantes ou d’œuvres à première vue plus éloignées. L’iconographie de certaines divinités du panthéon gréco- romain doit beaucoup, on n’en disconviendra pas, à quelques créations majeures (Athéna Parthénos de Phidias, Aphrodite de Cnide de Praxitèle, etc.) et les statuettes qui s’en inspirèrent – fût-ce pour une attitude ou un simple geste parfois – devinrent vite l’objet de collections, parfois aussi – mais plus rarement – d’offrandes dans des sanctuaires (on songe au magnifique Hercule de Sulmone) et, pour les plus modestes, d’« images de piété » (dans des laraires, notamment) en contexte domestique. À côté de ces dieux et héros de la mythologie, à côté de quelques portraits (souverains hellé- nistiques, philosophes et hommes de lettres), nombreuses sont aussi les figures de genre renvoyant par exemple au monde pastoral mis au goût du jour par l’hellénisme alexandrin. L’exposition du Musée archéologique de Florence, réalisée en parallèle à la présentation de quelques grand
s bronzes sous le titre Potere e pathos. Bronzi del mondo ellenistico au Palazzo Strozzi, regroupait 171 pièces des collections médi- céennes, pour une bonne part inédites et que les transformations opérées dans les salles depuis l’inondation de 1966 ne permettaient plus de présenter au public (celui- ci y avait-il d’ailleurs été toujours sensible auparavant, dans les vieilles vitrines où ces objets de petite taille n’accrochaient pas directement le regard ?). Toutes ces œuvres bénéficient aujourd’hui, dans ce beau catalogue, d’une notice parfois assez déve- loppée, illustrée de photographies en couleurs ; pour ce faire, B. Arbeid et M. Iozzo ont su s’entourer de collaborateurs compétents et rédiger eux-mêmes de nombreux textes de qualité – on leur en saura infiniment gré. Cinq essais introductifs confèrent par ailleurs à ce volume un intérêt particulier. S. Settis envisage les débuts du collec- tionnisme en Italie ou, plus exactement, ces différentes phases qui vont du remploi médiéval – « stratégie d’ostentation » qui s’attache à faire revivre l’antique dignité et le prestige de Rome, auto-légitimation ou auto-promotion des grandes familles de la ville au XIIe siècle – au collectionnisme de la Renaissance. C. Frulli rappelle la rareté des trouvailles de statuaire au milieu du Quattrocento et l’intérêt porté dès lors à ces petits bronzes ; elle s’attache à en retrouver la trace et à préciser l’endroit où ils furent exposés dans le palais de la via Larga, mais auss
i à analyser l’atmosphère qui s’en dégageait – dont cette brevitas qui les caractérise et en a souvent fait le succès. F. Paolucci revient sur la signification du sigillum Florentinorum, sceau à l’image d’Hercule, symbole officiel de Florence depuis la fin du XIIIe siècle, et sur celle du héros qui, de symbole de la vertu chrétienne qu’il est au début, devient héros politique sous les Médicis, donnant naissance à des œuvres aussi célèbres que le groupe d’Hercule et Cacus de Baccio Bandinelli placé devant le Palazzo Vecchio, groupe réalisé en 1534 pour marquer le retour des Médicis et leur victoire sur ceux qui les avaient chassés de la ville sept ans plus tôt. M. Koortbojian s’interroge sur le pro- blème même de la miniaturisation – et ce, qu’elle affecte des figures de dieux, des opera nobilia, des figures de genre, des portraits ou de monuments qui, comme la fameuse Tyché d’Antioche, évoquaient un tout autre horizon culturel encore – et le degré de fiabilité qu’il y a lieu d’accorder à ces « petits grands bronzes ». M. Cadario s’intéresse aux différents contextes dans lesquels apparaissent ces œuvres, qu’il s’agisse d’ex-votos, de simples ornamenta domestiques ou d’objets de collection. Tous les aspects et problèmes posés par cette petite statuaire de bronze sont abordés ici, qui aident à entrevoir le caractère et la signification des objets arrivés dans les collections médicéennes. De quoi leur redonner, indiscutablement, un regain d’intérêt salutaire.